Gestes barrières, distanciation sociale, confinement… Bienvenue à « coronavirusland »

Avec cette pandémie, un nouveau vocabulaire a surgi, témoin du bouleversement qu'une partie de la planète vit. Et si nous étions devenus des Japonais ?

Par

Temps de lecture : 3 min

Dans notre monde hyperconnecté, la barrière était devenue passablement obsolète. Un objet de l'ancien temps quand il y avait encore des gens pour la garder le long des voies de chemin de fer ou pour la relever à la frontière en nous faisant, d'un geste amical, signe de passer. Les nostalgiques pouvaient aller en voir au zoo ou à la campagne : elles subsistaient, en lisière des champs, seuls les chevaux et les vaches étaient assez bêtes pour les respecter. Les plus aisés se permettaient de coûteuses escapades pour admirer la seule qui valait encore la peine, celle de corail, menacée toutefois parce que notre monde justement vivait à l'heure du no barrière.

La newsletter débats et opinions

Tous les vendredis à 7h30

Recevez notre sélection d’articles tirée de notre rubrique Débats, pour comprendre les vrais enjeux du monde d’aujourd’hui et de notre société

Votre adresse email n'est pas valide

Veuillez renseigner votre adresse email

Merci !
Votre inscription a bien été prise en compte avec l'adresse email :

Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte

En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité.

Retrouvez notre dossier sur le coronavirus

Nous sommes devenus nous-mêmes une barrière

Et puis voilà que la barrière fait son retour tonitruant. Elle n'est plus la haie, la palissade, la herse, elle nous concerne nous, au premier chef. Nous sommes à nous seuls devenus une grande barrière, pour empêcher le mal de pénétrer sur notre territoire menacé. Distance, lavage de pognes, solution hydroalcoolique, coudes-Kleenex : en un rien de temps, nous avons découvert les quelques commandements du bon soldat anti-corona venus s'ajouter au comportement civique patiemment acquis depuis notre naissance. Nous avons même appris que la vraie différence entre l'enfant et l'adulte était le respect ou non des gestes barrières. Dans le meilleur des mondes, la France devrait être composée de 67 millions de barrières.

Il est vrai que nous ne nous sommes jamais autant lavé les mains. Il faudra d'ailleurs suivre la courbe de consommation des savons. Nous levons moins le coude que nous le replions. Le Français a perdu sa bise. Vade retro satana ! Nous sommes devenus japonais. Par le masque et par le recul. Nous ne connaissons plus l'effleurement ou le léger toucher de bras qui signifiaient complicité et connivence. Il y a un geste qu'on ne regrettera pas : cette manie de se toper bruyamment dans la main pour se prouver qu'on était de joyeux drilles sur la même longueur d'onde. Une pensée pour Nicolas Sarkozy. Il doit être malheureux de ne plus pouvoir toucher personne. Et les campagnes des municipales ? Un geste canonique avait disparu du décor : le candidat ne pouvait plus serrer de main. Qu'est-ce qu'une campagne, qu'est-ce que la vie politique, si on ne peut plus serrer la main de l'électeur ?

Le confinement, un terme nucléaire

On nous avait appris les « gestes qui sauvent ». Il y a désormais les gestes qui font barrière. Nous voilà des forts Chabrol, réduits aux abois. Tandis que le rideau est tombé sur les manifestations sportives, culturelles, religieuses, un rideau de fer est tombé autour de nos corps. Je suis à l'est et mon prochain, mon voisin, que dis-je, l'autre, ce corona-potentiel, est à l'ouest ou vice et versa. Mais il n'y a plus de pont des Soupirs. Que des check-points. À l'image de tous les pays, nous fermons les frontières. Les barrières sont abaissées. Plus d'accord de Schengen entre nous. Bientôt, on mettra un masque sur la Joconde. Arrive le confinement. Terme qui relevait jusque-là de la sécurité nucléaire. Comme si nous étions devenus une matière radioactive. Être confiné, c'est être aux confins des autres, dans un bout du monde où nous serions relégués.

Lire aussi Coronavirus : l'Europe se ferme au monde pour 30 jours minimum

À chaque crise, une novlangue

Il y avait la barrière de la langue, à la rigueur de la culture, il y a maintenant la barrière de nous-mêmes. Ce geste barrière fait couple, si cela se peut, avec une autre expression qui a surgi du diable Vauvert : distanciation sociale ! Dans les crises, les politiques dégainent des vocables tout faits, une novlangue toute prête, sortie tout armée de leur cerveau, comme s'ils avaient prévu le mot et la chose. Après la paix sociale, après les classes sociales, après la sécurité sociale, la distanciation sociale. Ce sont les marxistes qui doivent rigoler. Nous nous découvrons socialement distants. Distance désormais physique, et non plus économique ou culturelle. Comme à la banque, nous nous tenons derrière la ligne rouge. L'autre est un guichet inaccessible. Ce ne sera jamais notre tour. L'homme est un animal politique ? Désormais, il est aussi un animal distant. Dans nos études, nous avions appris avec Brecht la distanciation au théâtre. Notre vie est devenue un grand théâtre brechtien. Gageons que, lorsque tout cela sera fini, nous nous tomberons tous dans les bras.

À ne pas manquer

Ce service est réservé aux abonnés. S’identifier
Vous ne pouvez plus réagir aux articles suite à la soumission de contributions ne répondant pas à la charte de modération du Point.

0 / 2000

Voir les conditions d'utilisation
Lire la charte de modération

Commentaires (3)

  • L'expression "distanciation sociale" n'a pas été inventée par des politiques ou des énarques à l'occasion de l'actuelle épidémie. Cette expression, et d'autres termes "nouveaux" existaient déjà, mais n'étaient utilisés que dans des cercles restreints. Revoyez "Contagion" de Steve Soderbergh, vous serez surpris de son actualité, y compris en termes de vocabulaire...

  • guy bernard

    Le Paris que nous connaissons aujourd'hui a été construit avec comme principale motivation la salubrité, comme cela a été le cas pour Londres qui a refait son reseau d’égouts.
    Les villes subissaient régulièrement des épidémies de choléra et il a fallu agir.
    Tristement, cet héritage a été oublié et on voit des rats, vecteurs de maladies, dans les jardins publics.
    Quelle que soit l’élue parisienne, c'est un probleme urgent à traiter et à resoudre, sans avoir besoin d’être japonais.

  • pescadoupasfraichou

    Ce rapport a l'animal sauvage (pangolin, chauve-souris, etc. ) ne vient pas de chez nous, le coronavirus vient donc de Chine. C'est la Chine qui nous impose son " harmonie " = la monosyllabe " ho " qui désigne aussi la république ( Kong - ho - kouo, même terminaison que Mandchoukouo). . .